Mener une enquête de harcèlement : adopter une approche tenant compte des traumatismes (trauma-informed) ?

Les enquêtes en milieu de travail portant sur le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel, la violence ou la discrimination comptent parmi les plus sensibles à conduire. Pour les employeurs et les avocat·e·s qui réalisent ces enquêtes — ou qui les confient à des enquêteur·trice·s externes dans le cadre de leur organisation ou pour leurs clients — il est essentiel d’adopter une démarche à la fois rigoureuse, transparente et qui tient compte des particularités des individus impliqués.

Il n’y a pas une enquête semblable, il faut toujours se questionner afin de mettre en place les meilleures pratiques dans les circonstances, ce qui permet une recherche de faits plus complète. C’est pourquoi les avocat.e.s chez Neutra intègrent une approche tenant compte des traumatismes — aussi appelée trauma-informed — dans la conduite de leurs enquêtes.

1. Qu’est-ce qu’une approche tenant compte des traumatismes?

Pour simplifier, il s’agit d’une méthode qui prend en compte les effets profonds que le traumatisme peut avoir sur une personne, notamment sur son comportement, sa santé, sa mémoire et sa façon de communiquer. Un traumatisme est un évènement, ou une série d’évènements.

Lorsqu’une personne a vécu un traumatisme, ses réactions peuvent parfois sembler incohérentes ou difficiles à comprendre. Une approche tenant compte des traumatismes cherche à reconnaître ces impacts, avec sensibilité et respect, afin de permettre aux parties concernées et témoins dans une enquête de pouvoir y contribuer tout en minimisant les impacts négatifs pour eux. 

Cette approche est particulièrement adoptée puisqu’elle permet de conduire des enquêtes plus justes et équitable, et reposant sur quatre piliers fondamentaux :

  • Sécurité : créer un environnement où la personne se sent protégée, physiquement et émotionnellement. Il peut être proposé que l’entrevue se tiennent aux bureaux de l’enquêteur ou dans une salle de réunion locative dans certaines circonstances. Également, l’enquêteur doit rester patient, calme et posé tout au long de l’entrevue. L’enquêteur devrait aussi permettre une prévisibilité du déroulement de l’entrevue. Dans certains contextes, il est préférable de ne pas avoir un contact physique avec la personne (ex. : éviter la poignée de main).

  • Approche humaine et flexible : encourager la participation active des personnes impliquées et valoriser leur parole, grâce une collaboration et écoute de leurs besoins. Par exemple, l’enquêteur peut donner du contrôle à la personne rencontrée dans l’entrevue (ex. : moyen (en personne ou par visioconférence), positionnement, nombre de pauses, ordre des allégations, etc.). L’enquêteur peut également préparer des questions adaptées (ex. : ouvertes, parler des sens, des observations, etc.) et faire preuve d’empathie tout en gardant sa neutralité.

  • Clarté et transparence : faire preuve de transparence et de clarté sur les éléments qui peuvent être et qui seront partagés à la personne, selon son titre dans l’enquête (rôle, mandat, étapes, allégations, analyse, rapport, conclusions, etc.).
  • Analyse sensible aux effets des traumatismes : faire une analyse de la crédibilité et des allégations qui tient compte des conséquences découlant des traumatismes comme les pertes de mémoire ou l’incohérence de certains éléments. 

2. Démystifier certains mythes

Encore aujourd’hui, de nombreux mythes entourent la gestion des dossiers de harcèlement psychologique, harcèlement sexuel, violence et discrimination. Un mythe particulièrement répandu est qu’une incohérence dans le témoignage d’une partie ou d’un témoin doit forcément affecter sa crédibilité. Or, les personnes ayant vécu un traumatisme peuvent manifester des comportements qui semblent inhabituels ou contradictoires, comme des hésitations ou même des trous de mémoire. Ces réactions ne remettent pas en question la véracité de leur version des faits, mais reflètent plutôt l’impact du traumatisme sur leur capacité à raconter les faits.

De la même manière, la réaction d’une personne face à une situation n’est pas un gage de compréhension de son état d’esprit. Par exemple, quelqu’un pourrait rester silencieux face à une attaque alors qu’un autre individu pourrait réagir sur le coup. Pourtant, les deux personnes peuvent avoir vécues un choc lié à l’incident.  

3. Comment tenir une entrevue de façon respectueuse

Un enquêteur ou une enquêtrice sensibilisé·e aux effets des traumatismes adoptera une posture bienveillante et respectueuse tout au long de l’entrevue. Cela implique notamment de :

  • Choisir un lieu calme et sécurisant. 
  • Offrir à la personne de choisir son siège dans la salle.
  • Se présenter, présenter clairement son rôle et son mandat.
  • Expliquer clairement le déroulement de l’entrevue dès le départ, et confirmer la compréhension de la personne. Ne pas hésiter à répéter. 
  • Avant de commencer, demander si la personne a des questions. 
  • Offrir des pauses et rappeler que la personne peut prendre des pauses. 
  • Offrir à la personne de choisir l’ordre des sujets à aborder (allégations).
  • Écouter.
  • Parler doucement, calmement.
  • Éviter d’interrompre, prendre une note et revenir plus tard sur votre question. 
  • Laisser les silences sans chercher à précipiter les réponses.
  • Utiliser un langage simple. 
  • Ne pas insister pour obtenir un ordre chronologique. 
  • Ne pas porter de jugement.

Certaines formulations peuvent être perçues comme culpabilisantes ou avoir pour conséquence de faire vivre de nouveau le traumatisme. Par exemple, au lieu de demander : « Pourquoi n’avez-vous rien dit à ce moment-là ? », on privilégiera une question ouverte comme : « Pouvez-vous me raconter ce que vous avez vécu? ». Les questions ouvertes, posées avec curiosité et sans jugement, favorisent un climat de confiance.

Adopter une approche tenant compte des traumatismes ne signifie en rien compromettre la rigueur d’une enquête. Au contraire, cela permet souvent d’obtenir plus de détails sur les évènements pertinents et ainsi de mener des interventions à la fois professionnelles, humaines et mieux adaptées à la réalité des personnes impliquées.

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